Notre expérience de l’Amazonie se fait entre Cayenne et Macapà, de la Guyanne française à l’embouchure de l’Amazone, en passant par la ville d’Oiapoque tout au nord du Brésil.

Quelle virée… là, j’ai des choses à raconter, car ça m’a vraiment impressionné. J’espère que mes 5 filles en garderont aussi un souvenir fort, même si elles n’ont pas été actives dans les batailles qu’il a fallu mener et qui marquent.

Taxico en Guyane française

Nous atterrissons à Cayenne à 21h, de nuit, il pleut, et selon les arrangements que j’avais fait par téléphone avec un contact que j’avais eu à Cayenne 8 jours plus tôt, un taxico devait nous attendre pour nous mener  à Saint Georges de l’Oyapoque, à 185km au sud. Surprise, le taxico est là. Seconde surprise, le tarif qui était de 40€/personne (je suis avec mes 5 enfants, donc 240€ au total) ne vaut pas pour les courses de nuit. Maintenant, c’est 320€, soit une augmentation de 33%  ! On a l’air malines, de nuit devant l’aéroport et sans plan b.

Mais voilà, aussi incroyable que cela paraisse, il y a toujours une solution surprise qui se présente dans ces cas; la chance du voyageur ? Un jeune brésilien, Dexter, qui vient trouver sa maman pour les fêtes de fin d’année à Macapà, fait le même trajet que nous. En ajoutant une personne dans la voiture, les coûts sont divisés et l’augmentation n’est plus que de 12% : acceptable. Départ à 22h, direction la frontière avec le Brésil.

Le taxico fonce dans la nuit. Il connait bien la route et c’est tant mieux car il y a passablement de virages. Notre jeune brésilien partage son pic-nic avec nous… les filles sont affamées et aucun moyen de trouver de la nourriture sur ce trajet de nuit. Dexter est bien content d’avoir trouvé des gens avec qui voyager. Nous aussi. Nous continuerons donc ensemble ce voyage jusqu’à Macapà (à près de 800km de Cayenne, 600km d’Oiapoque).

Le fleuve Oyapoque en pirogue

Nous arrivons juste avant 1h du matin à Saint Georges de l’Oyapoque où nous attend une pirogue avec laquelle nous traversons durant une vingtaine de minutes le fleuve Oyapoque pour rejoindre la ville d’Oiapoque (écrit en brésilien avec i). Le tarif de nuit est de 25R$/personne (env. 7€)… rien à dire. La journée, c’est moitié prix.

Saint Georges de l’Oyapoque se trouve à quelques kilomètre en aval d’Oiapoque et nous passons sous le fameux pont inauguré en 2017 qui relie les 2 pays. Ce trajet de nuit a quelque chose de très beau. Nous nous sentons un peu comme des clandestins.

Oiapoque au Brésil

A notre arrivée sur le sol brésilien, plusieurs hommes sont là, sur le débarcadère au milieu de la nuit et attendent, semble-t-il, les voyageurs pour leur proposer taxi, hôtel, etc. Ils ont l’air bien margoulins. Nous décidons de partir à pied à la recherche d’un hôtel. Il y en a plusieurs le long des rues. Les tarifs sont très élevés en cette fin d’année pour des conforts très spartiates. Plusieurs hôtels sont pleins ou trop chers, on fini par en trouver un : 220R$ (55€) pour 2 chambres lugubres et infestées de moustiques pour 6 personnes avec petit déjeuner. Ca fait partie de l’expérience !

Le lendemain matin nous découvrons Oiapoque. Ville plantée au milieu de la forêt, les rues bien que défoncées sont à peu près goudronnées depuis 5 à 10 ans mais la terre rouge  recouvre toute la ville, l’ambiance est moite, les pluies détériorent les bâtiments, on sent que cette ville est le refuge des chercheurs d’or qui n’ont pas percé. Malgré tout, une certaine sécurité y règne et nous avons pu nous y balader la nuit sans crainte. Certains disent que la police ne fait pas dans la dentelle avec les fauteurs de troubles qui tendent à disparaitre sans trace, la prochaine ville brésilienne étant à 600km de là.

Nous entrons en contact avec les conducteurs de 4×4 qui devaient nous emmener à Macapà pour 250R$/personne (env. 60€), toujours selon le même arrangement par téléphone une semaine plus tôt. Rebelote, ils ont changé leur tarif et veulent 300R$/personne. Nous les congédions et recherchons de nouveaux chauffeurs. La situation est tendue, les prix montent de minute en minute, on nous annonce 350 puis 400R$/personne. Un bus s’arrête devant notre hôtel et nous propose 150R$/personne, nous expliquant que c’est un transport de marchandises et qu’ils souhaitent juste rentabiliser un peu. Dexter est méfiant et ne se sent pas en confiance. Nous renonçons à cette solution. Finalement, nous trouvons 2 voitures : un 4×4 pour 300R$/personne et une petite berline pour 265R$/personne.

Route et piste entre Oiapoque et Macapà

On fini par partir vers midi sur une route unique qui traverse la forêt: la BR 156. A moins de 50km, on retrouve le bus qui nous proposait de nous emmener, au bord de la route, arrêté. Je ne connaitrai pas le fin mot de cette histoire, mais j’imagine que les personnes transportées pourraient bien être dépouillées et laissées sur le bord de la route … on est dans la jungle.

Le goudron s’arrête à peu près 50km après Oiapoque et alors commence la piste. Une belle piste de terre couleur rouille. Nous avons de la chance, en cette saison de pluie (il pleut quasiment tout le temps), la piste peut se transformer très vite en vilaine boue où tous les véhicules s’enfoncent (une photo ci-dessous montre ce à quoi nous avons échappé). Malgré les nombreux nids de poules et passages difficiles, les conducteurs se lancent comme des fous sur cette pauvre piste et les nombreux ponts en bois qui traversent les toutes aussi nombreuses rivières. 110km de piste sur un territoire partagé par plusieurs communautés indiennes; les plus assimilés à notre culture vivent près de la route, les autres vivent bien plus retirés dans la forêt et on ne les voit pas. Une forêt qu’ils connaissent par coeur et qui leur donne tout ce dont ils ont besoin ; nourriture, médicaments, outils… Je suis assise dans le 4×4 à côté d’un chauffeur très religieux (les évangélistes sont très présents au Brésil), également prédicateur et sans aucun doute aussi escroc. Il nous inflige des musiques religieuses sur les 600km. Mais le trajet est tellement beau, la forêt intense, quelques villages indiens et cette moiteur. Bonheur.

Après ces premiers 200km environ, nous sortons des territoires indiens, la route est asphaltée et, gros choc, il n’existe presque plus de forêt. Nous roulons sur les 400km restant dans un paysage de prairies, quelques bœufs, des fermes disséminées. J’avais fait cette même route il y a 30ans et la forêt allait d’Oiapoque à Macapà. Maintenant, les eucalyptus sont plantés en rangs sur des longs kilomètres pour l’industrie du papier.

Nous arrivons vers 20h à Macapà, sain et sauf !

L’Etat d’Amapa

L’Etat que nous venons de traverser du nord au sud, regorge de ressources naturelles : fer, manganèse, granite, or, pétrole, poissons, eau minérale, noix du Parà, bois, papier. Il est producteur de riz, de manioc, de viande bovine. Le manque d’accès routiers avec les Etats voisins rend ses échanges commerciaux difficiles et dépendants des réseaux fluviaux, notamment par le port de Santana, au sud de Macapà. Depuis Santana, l’Amapa exporte ses ressources vers l’Asie (par le canal de Panama), l’Amérique du nord et l’Europe.

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